Siem Reap
Après avoir commencé son exercice professionnel en Angleterre, c’est à Siem Reap au Cambodge que Stuart Cochlin a décidé de s’installer. Son agence, ouverte depuis 2006 compte cinq employés avec à leur actif plusieurs réalisations pour des clients privés et des ONG. Si le métier d’architecte est international, pratiquer à l’étranger demande cependant des adaptations dans ses méthodes de travail. Le Cambodge offre des libertés de conception et de réalisation par rapport au cadre réglementaire contraignant qui régit la construction en Europe. Cependant, l’absence de réglementations, laisse aussi place aux dérives immobilières, programmatiques et architecturales puisque aucune vision d’ensemble de la ville n’est pensée. Tous types de bâtiments et de matériaux peuvent donc la constituer souvent au bénéfice du lucre.
Selon Stuart Cochlin, travailler au Cambodge, demande surtout du bon sens, dans la compréhension des espaces, dans la relation avec les services publics mais aussi dans l’utilisation de ses connaissances techniques.
Par exemple, pour le projet de l’usine Pactics aux environs de Siem Reap, il a mis en place des concepts simples, tel que l’utilisation de la lumière du jour pour éclairer les espaces de travail, pour le confort des travailleurs et l’économie de l’usine étant donné que l’électricité coûte très cher au Cambodge. Il a également rendu l’ensemble du projet accessible aux personnes à mobilité réduite, mesure qui nous semble logique dans un cadre européen, mais qui est encore rare au Cambodge. Pourtant cette mesure est bien utile car un fort taux de la population souffre de problèmes de mobilité à cause entre autre des nombreuses mines antipersonnel déposées pendant la guerre.
Stuart Cochlin conçoit avec plaisir au Cambodge. Il utilise ses propres connaissances et son sens commun sans être contraint par des lois parfois tellement directives qu’elles entraînent des absurdités plus qu’elles n’aident à trouver des solutions. Concevoir des bâtiments ici, lui a également demandé une réflexion inverse à celle qu’il avait en Angleterre. On ne cherche pas ici à réchauffer et à isoler les logements à tout prix, mais bien à les « refroidir » le plus possible et à les ventiler. La conception d’un bâtiment ne se fait pas sans réfléchir à la course du soleil, aux ombres, aux manières de ventiler.
Structurellement, les bâtiments qu’il conçoit diffèrent peu de ceux d’outre manche, avec des trames en béton et des remplissages en briques. Les structures en bois sont peu envisagées car elles sont aujourd’hui plus onéreuses que le béton et la brique, à cause de la déforestation massive des forêts Cambodgiennes.
La main-d’œuvre sur les chantiers est souvent peu qualifiée. Ce sont essentiellement des travailleurs saisonniers qui, une fois la saison du riz terminée, trouvent des emplois dans le bâtiment. De fait, l’architecte doit être plus présent sur le chantier. Pour certains de ses chantiers, Stuart Cochlin cherche à faire travailler le plus possible des équipes locales. Pour faire face aux problèmes de qualification, il emploie une première équipe qualifiée, chargée de la structure et une deuxième composée d’ouvriers locaux s’occupant du « remplissage ». Pour certains de ses projets cela lui a ainsi permis d’associer les futurs utilisateurs afin qu’ils se les approprient plus facilement.
Le fait de travailler avec plusieurs ONG, lui permet de se pencher sur diverses typologies de projets (écoles, usines, projets modulaires…) et lui a donné de nouvelles libertés et pistes de réflexions sur des thèmes sociaux, économiques et environnementaux. Il a également mis en place un événement culturel important dans la ville de Siem Reap, un défilé de marionnettes en papier géantes.
Stuart Cochlin est donc un touche-à-tout. Il a su trouver sa place dans le paysage cambodgien, ne profitant pas de l’absence de cadre réglementaire pour en tirer une liberté irresponsable mais pour proposer une plus-value qualitative et une réflexion basée sur le bon sens dans ses projets.
Défilé de marionnettes – Siem Reap © Le Voyage Habité
Lien vers le site internet de l’architecte : Stuart Cochlin