Kathmandou
Notre rencontre avec Prabal Thapa nous a permis de rencontrer un architecte réfléchissant sur de nombreux sujets et développant des projets ancrés dans un développement local durable.
Selon lui, au Népal, peu de personnes peuvent s’offrir les services d’un architecte. Le pays est composé à 80% de fermiers qui n’ont ni les moyens, ni les besoins d’un architecte. Certains marchés de la construction, pour l’industrie ou le commerce vont directement à des entrepreneurs sans passer par les mains d’architectes. Enfin, selon Prabal Thapa, travailler avec les pouvoirs publics au Népal, c’est rentrer dans un système de formalités et de procédures contraignantes, qui aboutissent souvent à un travail non rémunéré. Il a toujours refusé de travailler avec eux.
Ses projets s’orientent essentiellement vers des projets résidentiels, d’accueil du tourisme, de réhabilitation et des projets pour l’enseignement. Son travail et sa vision de l’architecture se développent autour de 3 points réfléchis et connectés les uns aux autres.
D’abord une réflexion sur l’environnement local du projet. Savoir s’installer dans un environnement, c’est regarder les raisons d’être des constructions locales, des raisons climatiques, géographiques (pente, fleuve…), d’orientation ou des vues. C’est également rechercher une harmonie avec l’environnement du projet, dans les proportions, les formes (hauteur, masse) et les matériaux. Il n’est par contre pas question d’une simple copie, mais plutôt un questionnement pour une réappropriation et invention ; il est important pour lui de comprendre les raisons et les façons d’utiliser tel ou tel matériau. Enfin l’environnement local, c’est aussi l’utilisation des compétences et des ressources présentes sur place pour des questions économiques et de bon sens.
Son deuxième point de réflexion concerne le patrimoine. Pour lui, il n’est pas question de copier un style ancien. Si certains éléments ou bâtiments sont intouchables car ils représentent des trésors patrimoniaux, il faut pouvoir améliorer les autres par des ajouts techniques sur la structure, sur l’électricité ou la plomberie et les faire évoluer vers de nouveaux usages et une nouvelle esthétique. Pour Prabal Thapa, le patrimoine n’est pas sous verre. Il doit être compris dans son évolution. Pourquoi certains designs ont évolués ? Quelles compétences ont été nécessaires ? Comment l’histoire, les usages ont transformé des quartiers, des bâtiments ? Il s’agit ensuite de faire évoluer ce patrimoine et d’utiliser des matériaux dans leur vrai forme et non pas en faisant du faux. L’esthétique et les usages évoluent, il faut le faire en harmonie.
Son dernier point de réflexion concerne le développement durable. C’est en lien avec l’environnement local et le patrimoine que ce développement est durable. A cela, Prabal Thapa ajoute des compétences techniques que développent de plus en plus son agence. Ils travaillent ainsi sur l’énergie solaire, la biomasse, le recyclage des eaux grises…
Prabal Thapa souligne l’importance de se mettre en retrait et d’échanger pour laisser la place à des ouvriers, des artisans ou des ingénieurs dont les compétences enrichissent les projets. Il insiste également pour dire qu’un projet est le fruit de discussions avec le commanditaire.
Pour terminer, son travail après les séismes de 2015 s’est concentré sur des zones rurales, sur l’architecture vernaculaire et sur la reconstruction. Pour Prabal Thapa, les abris temporaires risquent de devenir pérennes. Il faut donc encourager la reconstruction. D’autant que pour lui, les compétences et les matériaux sont déjà à disposition sur place. Les techniques sont là, mais ont parfois mal évoluées, oubliant la raison d’être de tel ou tel méthode anti-sismique.
Sura, immeuble multi usages – Kathmandou © Le Voyage Habité
Lien vers le site internet de l’architecte : http://www.prabalthapaarchitects.com.np/