Phnomp Penh
L’architecture moderne a eu un destin particulier au Cambodge. Appelé « New Khmer architecture », c’est un mouvement qui débuta en 1953, année de l’indépendance du Cambodge, et s’acheva vers 1975, avant l’arrivée au pouvoir des Khmers rouges.
Le mouvement de la New Khmer architecture, soutenu par le prince Sihanouk, a pu être mis en œuvre grâce à des architectes tels que Vann Molyvann et Lu Ban Hap. Ce mouvement d’architecture moderne khmer se caractérise par des techniques constructives innovantes telles que le béton armé et par la rationalisation et le développement à grande échelle de projet de logements individuels et collectifs.
Ce qui rend singulier la New Khmer architecture par rapport à d’autres mouvements modernes dans le monde, c’est l’influence qu’elle tire de l’architecture khmère traditionnelle et de son environnement tropical. Ainsi, on y retrouve les façons de vivre cambodgiennes : la disposition des cuisines et des salles de bains à l’écart des pièces de vie, l’utilisation de pilotis, la mise en place au rez-de-chaussée d’espaces extérieurs communs et la privatisation des espaces intérieurs. La prise en compte du climat se caractérise par des systèmes de ventilation naturelle, l’usage du double toit pour le rafraîchissement, la création d’espaces ombragés. On retrouve également dans certains projets, une esthétique propre à un imaginaire angkorien, dans les toits et les bas-reliefs notamment.
Nous avons pu visiter par nous-mêmes et grâce à l’association NKA tour architecture, différents projets de la New Khmer architecture tels que le White Building de Lu Ban Hap et les 100 houses de Vann Molyvann.
Le projet des 100 maisons, est un exemple intéressant. Vann Molyvann n’a pas hésité à reprendre les éléments importants des maisons traditionnelles Khmer, et de les adapter. Afin d’assurer plus de durabilité aux maisons mais de conserver les pilotis, celles-ci sont construites en structure de béton armé, mais pour rappeler l’intérieur des maisons traditionnelles, les planchers ont été réalisés en bois. L’espace vide sous les pilotis a été conservé, c’est le lieu de vie commun. Les cuisines et salles de bains qui sont généralement séparées du reste de la maison, sont ici intégrées à celle-ci, mais grâce des jeux de différences de niveaux et à un système de double escalier, elles peuvent fonctionner indépendamment du reste de la maison.
Le white building est le premier bâtiment d’habitation collective du Cambodge. De plus il était destiné aux familles modestes et de classe moyenne. Il est emblématique puisqu’il représente un tournant dans la politique du logement au Cambodge et dans la planification des villes. Ici aussi, l’architecte Lu Ban Hap tout en proposant une architecture résolument moderne, a tenté de préserver au mieux les manières d’habiter Khmer. Les cuisines et salles de bains sont séparées des appartements par des balcons extérieurs et forment des redents sur la façade les séparant visuellement du bâtiment. Le rez-de-chaussée était à l’origine un espace commun libre, il est aujourd’hui comblé.
Malgré les grandes qualités architecturales des projets, il est force de constater qu’aujourd’hui le point commun entre beaucoup de bâtiments de la New Khmer architecture et d’édifices datant de l’époque coloniale française, c’est leur état, souvent critique, et leur destruction parfois imminente. Cela est dû à plusieurs facteurs. D’abord, la période des Khmers rouges a provoqué l’arrêt net du développement urbain et l’abandon de nombreux bâtiments. Ensuite le retour souvent chaotique des populations vers les villes, l’absence de propriété privée jusqu’en 1999 et de véritables réglementations d’urbanisme ont rendu difficile, voire impossible, l’entretien et la préservation du patrimoine construit. Enfin aujourd’hui, la pression immobilière et financière rend courant la destruction de nombreux bâtiments pour les remplacer par des édifices génériques de promotion immobilière.
Le parallèle entre la New Khmer architecture et les bâtiments coloniaux peut paraître étrange, mais ce sont deux périodes qui ont apporté une vision globale pour le développement des zones urbaines et de nombreux bâtiments de qualité. Ce mélange des genres donne aujourd’hui son charme aux villes cambodgiennes. Mais l’absence d’une prise de conscience pour la conservation et pour un développement urbain réfléchi, tend à la destruction et à l’avènement de ce charme pour des constructions rapides au profit immédiat.
100 maisons – architecte : Vann Molyvann – Phnomp Penh © Le Voyage Habité
White building – architecte : Lu Ban Hap – Phnomp Penh © Le Voyage Habité
Maison de Vann Molyvann – architecte : Vann Molyvann – Phnom Penh © Le Voyage Habité
Lien vers les sites internet :
New Khmer architecture : http://nka.lumhor.org
Vann Molyvann project : http://www.vannmolyvannproject.org/
Khmer architecture tours : http://www.ka-tours.org/