Bogotà
Antonio Yemail, fondateur de l’oficina informal, et son équipe travaillent avec une méthodologie transversale et rigoureuse.
Au lieu de privilégier une esthétique de projets, ils favorisent une façon de faire qui met en avant la réutilisation, la transformation, la réinterprétation, de l’échelle du détail à celle de l’utilisation même d’un espace. Ils n’hésitent pas à puiser dans d’autres domaines que l’architecture pour créer leurs projets.
L’oficina informal travaille sur 3 types de programmes. Des projets « culturels », pour des commanditaires publics, pour lesquels ils s’associent systématiquement avec des artistes. Cela va de l’installation dans des espaces publics à la mise en scène d’expositions.
Ils travaillent également sur des projets « commerciaux ». C’est-à-dire des petits commerces, des restaurants, des petites entreprises tertiaires ou industrielles. Ce sont souvent des réaménagements intérieurs. Ils se servent de techniques et de produits dérivés de leur utilisation première pour concevoir ces espaces.
Enfin, l’oficina informal travaille sur des projets « résidentiels », de la maison individuelle au réaménagement et à la construction d’appartements dans des espaces résiduels.
Dans tous les cas, c’est la réutilisation et la transformation d’espaces, la scénographie et le travail du mobilier qui sont à l’honneur.
Peu importe la taille ou le budget du projet, la méthodologie est la même. Tout d’abord ils créent une base de données de matériaux repérés et/ou utilisés. Ensuite ils mettent en avant la transformation, la réutilisation d’usages, de méthodes et de matériaux. Ils ont pour volonté de multiplier les approches. Enfin, ils dessinent jusqu’au mobilier de chaque projet et créent ainsi une bibliothèque de mobiliers et de détails.
La façon de faire de l’oficina informal est en fait très centrée sur le détail, partant de celui-ci pour arriver au général. Cela est possible, car en Colombie la main-d’oeuvre est peu onéreuse et compétente, et selon Antonio Yemail il est possible de développer des projets en relation étroite avec des artisans.
En quelque sorte, leur manière de procéder n’est pas sans rappeler la façon d’être de Bogota. Selon Antonio Yemail, à Bogota le climat plus froid que dans d’autres régions de Colombie et sa situation montagnarde influencent les utilisations des espaces. Les espaces intérieurs et domestiques sont plus développés ceux extérieurs et publics. Il y a donc plus de recherches dans les détails, le mobilier, le domestique que dans les zones communes extérieures.
Ce phénomène de non-développement et usage des espaces publics est amplifié à Bogota par le manque de suivi des projets urbains entre deux municipalités qui se succèdent. De plus, le foncier est très cher et la spéculation privée prend le dessus. Enfin, l’insécurité et la violence dans certains quartiers n’incitent pas à l’utilisation des espaces extérieurs, bien que sur ce point les choses s’améliorent de plus en plus.
Enfin, Antonio Yemail travaille sur des projets de recherche avec les cours qu’il dispense à Bogota. Il a travaillé avec ses étudiants sur le barrio Egipto, un quartier de Bogota et sur le village de Palomino au nord de la Colombie. Dans les deux cas, ils ont réutilisé la méthode propre de l’agence : ils ont produit des catalogues pour analyser les situations et les besoins sur place. Ils ont ainsi répertorié les matériaux, les techniques de construction, l’architecture locale et ses détails afin d’avoir une base de référence pour les futures constructions et mettre en valeur l’intelligence collective présente sur place. Ils ont également passé en revue les paysages sociaux, environnementaux et architecturaux des lieux.
Finalement, l’oficina informal travaille à la façon d’un acupuncteur ou d’un pointilliste. Elle développe des projets sur différents tableaux en portant une grande attention au détail, tout en gardant une vision de l’ensemble mais toujours avec modestie et rigueur.
Taller del Té – Bogotà © Le Voyage Habité
Lien vers le site internet des architectes : www.oficinainformal.com/